Comment stocker l’électricité estivale à long terme? L’Empa participe à un projet de recherche captivant dans lequel des microorganismes primitifs jouent également un rôle.
Source: Empa
Il s’agit de l’une des interrogations cardinales menant à un avenir sans énergies fossiles: comment faire pour utiliser en hiver de l’énergie renouvelable excédentaire produite à nos latitudes en été?
L’Empa étudie depuis des années la technologie «Power-to-Gas», c’est-à-dire la conversion d’électricité renouvelable
en vecteurs d’énergie chimiques tels que l’hydrogène ou le méthane. Dans une étude consacrée au potentiel de cette technologie, Martin Rüdisüli, chercheur à l’Empa, a pronostiqué un excédent de 10 TWh d’électricité solaire en Suisse au cours des prochaines décennies, pourvu qu’une grande partie des toits adaptés à cette finalité soient dotés d’installations photovoltaïques. En convertissant l’électricité estivale excédentaire en méthane, il serait possible d’utiliser
environ un million de véhicules au GNC toute l’année pour un bilan climatique presque neutre.
La technologie «Power-to-Gas» forme désormais la base du projet international de recherche auquel participent en Suisse l’Empa,
Energie 360°,
l’université de Berne et
la Haute école spécialisée de Suisse orientale OST. Les chercheurs s’intéressent à une solution non conventionnelle. Il s’agirait d’utiliser l’électricité excédentaire pour produire de l’hydrogène vert qui serait ensuite stocké dans le sol avec du dioxyde de carbone, par exemple dans d’anciens réservoirs de gaz naturel. Là, des microorganismes naturellement présents transformeraient les deux substances en méthane.
Le projet de recherche «Underground Sun Storage», qui vise à stocker l'énergie éolienne et solaire dans des gisements de gaz naturel, est poursuivi. Source : RAG
Ces microorganismes, des archées, sont répandus sur la terre entière, essentiellement sous forme anaérobie, c’est-à-dire qu’ils sont capables de prospérer dans un environnement presque entièrement dépourvu d’oxygène. Ils jouent d’ores et déjà un rôle central dans notre système d’approvisionnement en énergie actuel. Il y a plusieurs millions d’années, les archées étaient responsables de la conversion de la biomasse en gaz naturel. Ils devraient dorénavant rempiler. Un projet similaire de
Regio Energie Solothurn avait décroché le
Watt d’Or de
l’Office fédéral de l’énergie (OFEN) dans
la catégorie «Énergies renouvelables» en 2020.
L’énergéticien autrichien
RAG Austria AG détient le brevet de cette «Underground Sun Conversion».
Le projet austro-suisse est soutenu par le programme-cadre européen de recherche ERA-Net et par l’OFEN en Suisse. L’Empa développe dans ce contexte une perspective pour tout le système énergétique. «Nous nous demandons où et quand de l’électricité excédentaire est produite, où les sources de CO
2 adéquates sont localisées et, enfin, où se situe la demande en gaz renouvelable», déclare Martin Rüdisüli du département «Urban Energy Systems» de l’Empa. À l’aune des conditions géologiques qu’étudie l’université de Berne et des conditions-cadres économiques élaborées par l’OST, les chercheurs devraient être en mesure de générer une carte du pays indiquant les sites pouvant accueillir la technologie
«Underground Sun Conversion».
L'histoire de la Terre en mouvement rapide : le projet de recherche produit du gaz renouvelable provenant du soleil et de l'eau à une profondeur de 1000 mètres. Source : Empa/Rag
Martin Rüdisüli, le chercheur de l’Empa, considère que la technologie est prometteuse, notamment parce qu’elle répond à la fois au problème du stockage saisonnier de l’énergie et à celui de la méthanisation biologique: «Même si la production de méthane augmentait considérablement, il serait inutile d’étoffer l’infrastructure de stockage au sol grâce aux réservoirs naturels dont nous disposons dans le sous-sol.»
(sco/pd, 24 juin 2021)