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Emerson Fittipaldi
Les moteurs à combustion modernes sont propres, même très propres. Cela s’applique surtout au diesel qui a tant été décrié par le passé. Christian Bach, chef du Laboratoire Technologies de propulsion automobile au sein du Laboratoire fédéral d’essai des matériaux et de recherche (Empa) à Dübendorf, décrit même les moteurs diesel d’aujourd’hui comme de véritables «purificateurs d’air» dans un article de 20minutes.ch.
Grâce à ces «purificateurs», l’air qui sort du pot d’échappement contient moins de polluants que l’air aspiré par le moteur au préalable. Suies, oxydes d’azote et particules fines ne sont plus à l’ordre du jour pour le diesel moderne. Mais ce carburant ne permet pas de résoudre le grand problème des émissions de CO2. Aucune technique, aussi intelligente soit-elle, n’est capable de filtrer ce poison climatique des émissions de gaz. Seules des économies drastiques de consommation de carburant ont ici un réel effet.
Il y a actuellement deux moyens de réduire les émissions de dioxyde de carbone ou de les éliminer concrètement:
1. Avec un moteur électrique. Aucune combustion de carburant ici et donc aucune émission locale de CO2. Cette solution n’est judicieuse que si l’électricité utilisée pour la propulsion provient de sources d’énergie renouvelables sans production de CO2
2. Avec des carburants synthétiques ou biogènes, aussi nommés e-carburants. Une voiture alimentée par des e-carburants produit cependant des émissions locales de CO2. Mais uniquement les volumes liés au préalable lors de la production du carburant. Autre condition dans ce cadre: l’énergie utilisée doit provenir de sources renouvelables sans production de CO2.
En automne 2019, Audi utilisait un nouveau carburant développé par Aral dans le cadre d’un essai pilote réalisé lors de la finale du championnat allemand de voitures de touring (Deutschen Tourenwagenmeisterschaft, DTM). Sa particularité: il était composé pour moitié d’éléments renouvelables produits à partir de déchets. Malgré cette caractéristique, il a atteint la qualité du carburant «Aral Ultimate 102» prescrit dans le cadre de cette série de courses. Le carburant a été utilisé dans un bolide de course Audi RS 5 DTM avec lequel le double champion du monde de Formule 1 Emerson Fittipaldi a fait quelques tours de démonstration. L’essence synthétique a un potentiel de réduction du CO2 de plus de 30 % par rapport aux carburants exclusivement produits à base de pétrole.
(de gauche à droite) Hans-Joachim Rothenpieler, membre du conseil d’administration d’Audi, Emerson Fittipaldi, champion du monde de Formule 1, Dieter Gass, directeur d’Audi Motorsport, et Pietro Fittipaldi, pilote du DTM, lors de la finale du DTM 2019 à Hockenheim.
Audi s’est ainsi fixé un objectif ambitieux, à savoir la réduction de 30 % des émissions de CO2 spécifiques aux véhicules jusqu’en 2025. «L’électromobilité jouera un rôle important dans ce cadre», explique Ulrich Baretzky, responsable du développement des moteurs chez Audi Motorsport. «Mais nous avons encore dans le monde entier une quantité non négligeable de voitures de tourisme équipées de moteurs à combustion classiques qui seront encore utilisées pendant de nombreuses années. En utilisant des carburants à faibles émissions de carbone, il serait possible d’obtenir très rapidement une diminution sensible des émissions de CO2 sur ces véhicules, sans devoir procéder à des modifications techniques.»
Depuis plusieurs années, Audi recherche des carburants alternatifs tels que l’e-gaz, l’e-essence et l’e-diesel, pour la production en série. Depuis 2013, la filiale de VW produit à Werlte (Basse-Saxe) du méthane synthétique grâce à l’énergie éolienne en recourant à la technologie Power-to-Gas et réinjecte celui-ci dans le réseau de gaz. Les clients font le plein de leur Audi G-Tron dans différentes stations-service GNC à un prix usuel. Audi produit ainsi du GNC de manière presque neutre en termes climatiques, puisque la quantité correspondante de méthane synthétique est réinjectée dans le réseau.
L’un des problèmes de la production d’e-carburants est aujourd’hui encore leur rentabilité. Les différents processus nécessaires à la production de gaz, d’essence ou de diesel synthétiques nécessitent beaucoup d’énergie et ont un effet négatif sur le rendement global. D’un point de vue dit «well-to-wheel», seuls quelque 13 % de l’énergie utilisée terminent leur course dans le véhicule.
Des solutions semblent cependant poindre à l’horizon: d’un côté, des experts tels que Jörg Sauer, professeur à l’Institut de technologie de Karlsruhe (KIT), partent du principe que cette valeur pourrait atteindre 60 % en adoptant de meilleurs procédés. Pour comparaison, 70 à 80 % de la puissance de sortie des véhicules électriques est transmise aux roues. D’un autre côté, les énergies hydraulique, éolienne et solaire permettent déjà de produire un excédent d’électricité issue de sources renouvelables en Europe pendant les mois d’été. Cet excédent pourrait être utilisé pour produire des carburants synthétiques grâce à un procédé Power-to-X. L’excédent d’électricité produit en été continuera à augmenter ces prochaines années suite au passage de la production d’énergie européenne de sources fossiles et atomiques à des sources renouvelables. Et lorsqu’il y a excédent d’électricité, les rendements n’ont plus beaucoup d’importance. (sco, 13 février 2020)