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L’industrie des camions doit s’adapter à une réglementation plus stricte en matière de protection du climat en Europe. Les limites d’émissions de CO2 des véhicules utilitaires lourds neufs doivent être réduites de 20% par rapport à celles de 2019 d’ici 2025, et de 35% d’ici 2030. Les pénalités risquent d’être salées en cas d’infraction: on parle de 5000 euros pour chaque gramme de gaz à effet de serre excédentaire. L’Union allemande de l’industrie automobile (Verband der Automobilindustrie, VDA) tire la sonnette d’alarme, arguant que cela pourrait ruiner jusqu’aux plus grands constructeurs de véhicules utilitaires.
Une augmentation de la part de marché des utilitaires à émissions nulles ou faibles pourrait décrisper la situation. Toutefois, l’utilisation de certaines motorisations alternatives n’est pas judicieuse dans le cas des camions. Un entraînement entièrement électrique avec des batteries pesant des tonnes sur un camion de transport longue distance ne sera pas viable sur le marché dans un futur proche, notamment en raison des temps de charge longs ainsi que des places de stationnement et bornes de recharge nécessaires.
Les camions hybrides, à pile à combustible ou à pantographes ne sont pas non plus adaptés à tous les usages ou n’en sont qu’à leurs balbutiements. Les véhicules carburant au méthane, que Scania décline en variantes GNC et GNL dans sa gamme, offrent une réponse rapide au problème. Dans cet entretien, Michel Sobert, technicien produit pour des solutions de transport durables, explique les avantages du gaz naturel et pour qui les moteurs à gaz constituent une véritable alternative au diesel.
Monsieur Sobert, pourquoi un client devrait-il changer pour un camion au gaz naturel?
Michel Sobert, technicien produit pour des solutions de transport durables chez Scania Suisse: les camions équipés de moteurs au méthane constituent une alternative judicieuse et porteuse d’avenir. Ils préservent l’environnement et sont économiquement rentables. Qu’il s’agisse de gaz liquide ou comprimé n’a pas d’importance. Même avec du gaz naturel d’origine fossile, les camions GNC et GNL rejettent 15% de CO2 en moins que leurs équivalents diesel. Avec du biométhane, ce chiffre peut atteindre 90%, un sérieux atout pour le bilan climatique d’un transporteur.
Pour qui le changement est-il rentable?
Changer pour une motorisation au gaz naturel est rentable pour tous ceux qui veulent réduire dès maintenant leurs émissions de gaz à effet de serre, d’oxydes d’azote, de particules fines et de matières particulaires, tout en diminuant leurs coûts. Les moteurs à gaz sont plus performants que les diesels sur tous ces points. Je recommande vivement à tous ceux qui doivent de toute manière renouveler leur parc de s’intéresser de près à la motorisation à gaz.
Où se situe le seuil de rentabilité en termes de kilométrage annuel?
Un tel seuil n’existe plus. Si un camion parcourt plus de 100’000 kilomètres par an en moyenne, le GNL est l’option à privilégier. Dans le cas des camions de transport local dont les trajets annuels n’excèdent pas 100’000 kilomètres, un poids lourd GNC, moins onéreux, peut être mieux adapté.
Quels moteurs au gaz naturel la gamme Scania inclut-elle?
Scania propose actuellement deux moteurs avec trois niveaux de puissance, tous deux compatibles GNC et GNL. Les moteurs à gaz fonctionnent sur le même principe que ceux à essence. Les bougies produisent l’étincelle qui enflamme le mélange gaz naturel/air. La combustion des deux composants est complète. Le post-traitement des gaz d’échappement est assuré par une recirculation des gaz et un catalyseur à trois voies. Notre moteur cinq cylindres OC9 développe 280 ou 340 ch, contre 410 ch pour l’OC13, un six cylindres plus imposant. Le couple maximal s’échelonne de 1350 à 2000 Nm. Ces modèles n’ont donc rien à envier à leurs équivalents diesels et peuvent être utilisés sur les tracteurs comme les porteurs jusqu’à un poids total autorisé en charge de 40 tonnes.
Quelles sont les séries Scania pouvant être équipées de moteurs au gaz naturel?
En principe, presque toutes les séries et toutes les catégories de tonnage, mais les séries P, G et R sont celles qui s’y prêtent le mieux. Les moteurs au gaz naturel peuvent s’utiliser sur les véhicules communaux, dans la construction, le trafic de distribution et longue distance. Même les ensembles routiers grand volume avec une hauteur de chargement de trois mètres ne posent aucun problème. Il n’y a que sur les vrais transports lourds au-delà de 40 tonnes que nous ne sommes pas encore au point.
À quelles contraintes les clients doivent-ils s’attendre avec le gaz naturel?
Il n’y a absolument pas lieu de craindre une détérioration de la puissance, de la tenue de route ou du confort de conduite. Ces moteurs affichent également des performances presque identiques au diesel en termes de rendement et d’efficience en carburant. Le chauffeur circule tout aussi vite au volant d’un camion au gaz naturel que de son équivalent diesel.
Un moteur à gaz consomme-t-il plus qu’un moteur diesel?
D’un point de vue technique, on ne devrait pas comparer les consommations gaz et diesel car ce sont des technologies complètement différentes. Le diesel se mesure en litres, à l’état liquide, tandis que le gaz naturel est exprimé en kilos. Le pouvoir énergétique n’est pas du tout le même non plus. On sait toutefois d’expérience qu’un véhicule au gaz consomme globalement moins en kilos qu’un diesel en litres. Mais à notre sens, le facteur déterminant est la réduction des émissions.
Quelle est l’incidence sur la charge utile?
Les réservoirs à gaz plus complexes entraînent un surpoids de 600 kilos environ, ce qui réduit un peu la charge utile du camion. Jusqu’à une tonne, l’autorité d’immatriculation accepte de faire figurer le surpoids précis par rapport à un véhicule diesel équivalent sur les papiers du véhicule, mais le poids total autorisé en charge reste de 40 tonnes. À noter que le montant de la RPLP est calculé sur la base du nouveau poids total du véhicule.
Quelles capacités de réservoirs proposez-vous ?
En version GNC, nous pouvons installer quatre réservoirs de 95 ou de 118 litres de chaque côté du véhicule, soit une capacité de 760, 852 ou 944 litres selon la combinaison retenue. Nos trois réservoirs GNL de 340, 400 ou 550 litres permettent d’embarquer de 740 à 1100 litres de gaz liquéfié par cryogénie.
Qu’en est-il de l’autonomie?
L’autonomie des véhicules de transport local destinés aux communes, à la construction et à la distribution peut atteindre 500 kilomètres environ avec les réservoirs GNC. Dans le trafic longue distance, elle passe à 1100 kilomètres pour les tracteurs à réservoirs GNL et même à 1600 kilomètres pour les porteurs, dont le châssis peut accueillir des réservoirs plus spacieux. Le chauffeur n’a donc pas forcément besoin de faire le plein plus souvent que sur un poids lourd diesel.
Quelle est aujourd’hui la densité du réseau de stations-service pour les camions à gaz?
Il existe environ 150 stations GNC dans toute la Suisse, dont près de 120 sont adaptées aux camions. La situation est moins brillante en ce qui concerne le GNL. La Suisse est à la traîne. Deux points de ravitaillement devraient être opérationnels d’ici la mi-2019 environ, l’un à Weinfelden et l’autre dans la région d’Estavayer.
Et pour ceux qui circulent à l’international?
Le bilan est souvent plus positif à l’étranger. L’Angleterre compte 28 stations-service GNL, les Pays-Bas 26, l’Italie 21, la France 23 et l’Espagne 18. Le réseau s’étend constamment. D’ici 2025, il devrait y avoir une station tous les 400 kilomètres sur les principaux axes de circulation de l’Union européenne.
Les véhicules au gaz naturel sont-ils plus nombreux à l’étranger qu’en Suisse?
Ailleurs en Europe, notamment au Benelux, en France, en Espagne, en Angleterre, en Italie et en Russie, les camions carburant au gaz naturel sont tout à fait courants. La Suisse commence tout juste à s’y mettre.
Quels sont les avantages concrets des moteurs à gaz pour les clients?
Les frais d’exploitation des camions à gaz sont moins élevés. Les dépenses en carburant sont moindres, puisque la consommation en kilos est inférieure à celle du diesel en litres. Et les fournisseurs de gaz locaux donnent actuellement un sérieux coup de pouce à l’achat. Depuis juillet 2008, la Confédération a en outre instauré une réduction substantielle de l’impôt sur les huiles minérales. À rendement énergétique égal, le prix du gaz naturel est de ce fait environ 25% plus avantageux que celui du diesel. Il est par contre vrai qu’un camion au gaz naturel est plus coûteux à l’achat. Selon la version (GNC ou GNL), les véhicules sont 20 à 35% plus chers. Mais, en fonction du kilométrage annuel et du montant des aides de la filière gaz locale, l’investissement est amorti en 24 à 42 mois à peine.
Comment la promotion des véhicules au gaz naturel se présente-t-elle concrètement en Suisse?
À la différence de l’Allemagne, par exemple, il n’existe pour l’instant pas de programmes de subventions ni d’incitations de l’État soutenant expressément l’achat de tels véhicules en Suisse. Mais pour des raisons de politique climatique, le gaz naturel a bénéficié d’une baisse significative de l’impôt sur les huiles minérales en juillet 2008 afin d’encourager son utilisation en tant que carburant. Le surcoût à l’achat est donc amorti par ce biais. Le prix d’un kilo de gaz naturel et d’un litre de diesel est plus ou moins identique en Suisse.
En pratique, quelles économies le client peut-il réaliser avec un véhicule au gaz par rapport au diesel?
Les économies de carburant par mois sont de 350 à 400 francs lorsqu’on parcourt environ 10’000 kilomètres durant cette période et peuvent atteindre 4200 francs sur des trajets annuels de 120’000 kilomètres.
À quoi les clients doivent-ils être attentifs lorsqu’ils optent pour le gaz naturel?
Faire le plein du véhicule n’est pas beaucoup plus long, mais la marche à suivre n’est pas la même qu’à une pompe diesel. Les chauffeurs de camions GNL, en particulier, doivent adopter de nouveaux réflexes et respecter certaines règles de sécurité, telles que la mise à la terre du véhicule, le nettoyage des raccords, ainsi que le port d’un casque avec visière et de gants de protection. Il s’agit d’éviter les brûlures par le froid au niveau des mains et des membres en cas de fuite du gaz naturel liquéfié, dont la température oscille entre 130 et 140 degrés au-dessous de zéro.
La motorisation au gaz naturel présente-t-elle aussi des avantages pour le chauffeur?
Le camion au gaz est beaucoup plus silencieux que son équivalent diesel. Le niveau sonore tombe à 72 décibels, soit une diminution de moitié environ, sans le moindre impact sur la performance. Sans compter que dans les grandes métropoles européennes, certaines rues, voire des quartiers entiers du centre-ville, sont interdits à la circulation pour les véhicules rejetant trop d’oxydes d’azote. Le chauffeur n’a plus à s’en préoccuper ni à s’évertuer à les contourner.
Les pannes sont-elles plus fréquentes sur les moteurs à gaz que les diesels?
Non. Scania vend des moteurs au gaz naturel depuis plus de dix ans. La technique est parfaitement au point, le fonctionnement aussi fiable que celui du moteur diesel.
Mais les délais d’entretien sont raccourcis.
C’est en partie vrai. En fonction de leur utilisation, les camions au gaz naturel doivent aujourd’hui être révisés tous les 45’000 kilomètres. Les frais d’entretien sont donc légèrement supérieurs et les contrats d’entretien et de réparation coûtent parfois un peu plus cher.
Tous les points de service Scania sont-ils équipés pour s’occuper de moteurs GNC et GNL?
Sur les grands axes de circulation suisses, tous les ateliers Scania peuvent accueillir ces véhicules et se procurer les principales pièces de rechange ainsi que l’outillage spécial en temps utile.
Est-ce que je peux sauver le climat à moi tout seul en achetant des véhicules au gaz naturel?
Clairement pas. Mais au-delà de la nécessité politique de réduire les émissions de gaz à effet de serre, chacun peut contribuer à préserver le climat. Nous ne réussirons qu’en unissant nos forces.
Les avantages de la motorisation au gaz naturel sont fortement contestés par l’organisation faîtière Transport & Environment, dont fait par exemple partie l’Association transports et environnement suisse. Dans une étude, elle qualifie le recours au GNC et au GNL dans le secteur du transport de totalement inefficace pour la protection du climat. Qu’en pensez-vous?
Cette étude porte sur l’utilisation de gaz extrait par fracturation aux États-Unis, dont l’écobilan est effectivement moins bon que celui du diesel. Mais l’avenir appartient aux e-carburants biologiques ou de synthèse à base d’hydrogène. Leur bilan CO2 est excellent et ils offrent de nombreux avantages au regard des oxydes d’azote et des matières particulaires. Les émissions de particules fines des moteurs à gaz se situent à la limite de détection. Le méthane est pauvre en carbone mais riche en hydrogène (quatre atomes d’hydrogène pour un de carbone), ce qui assure une combustion propre. Les valeurs des émissions d’oxydes d’azote sont inférieures de 55% environ à celles de la combustion du diesel. Difficile de trouver plus propre pour les moteurs à combustion, dont nous ne pourrons pas nous passer avant un moment. (Frank Hausmann, 29 avril 2019)
(Source : Scania Suisse SA)