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Là où l’électrique ne fonctionne pas

Le secteur des transports est à l’origine d’une grande partie des émissions de CO2 en Suisse. Si l’électromobilité permet certes une transformation rapide et efficace, ceci n’est pas encore vrai dans tous les cas, comme le démontrent trois éminents experts à «La Vie économique».

Voici l’article original non commenté de «La Vie économique» du 23.12.2022

Luca Castiglioni, responsable du domaine de recherche Mobilité à l’Office fédéral de l’énergie, présente les perspectives de trafic et les plans de la Confédération. Source : CNG-Mobility.ch

Si l’on tient compte de l’ensemble des sources d’énergie utilisées dans le secteur des transports, ce dernier est actuellement le plus grand consommateur d’énergie finale de Suisse. Rien d’étonnant dès lors à ce que Luca Castiglioni, chef du service de recherche sur la mobilité à l’Office fédéral de l’énergie, Matthias Gysler, chef de la section Régulation du marché à l’Office fédéral de l’énergie, et Konstantinos Boulouchos, professeur émérite de l’EPF, se soient penchés sur le secteur des transports. Et selon leurs déclarations à «La Vie économique» dans l’article «Y a-t-il assez de courant pour la transformation énergétique?», ils ont obtenu des résultats passionnants.

Part des modes de transport dans les émissions nationales de CO2 (2019)

Source : Inventaire des gaz à effet de serre 2019 de l’OFEV/«La Vie économique»

Les perspectives d’évolution du transport en Suisse tablent par exemple sur une augmentation de 11 % du transport intérieur de personnes d’ici 2050. Une situation synonyme d’augmentation des émissions. Les voitures de tourisme émettent le plus de CO2 dans le secteur des transports avec plus de 70 % et chaque moteur thermique vendu aujourd’hui restera en circulation pendant 15 à 20 ans, produisant ainsi une quantité conséquente de CO2. La meilleure façon de réduire ces émissions au niveau local est de remplacer les moteurs thermiques par des moteurs électriques. Mais les voitures électriques ont également besoin d’énergie. Compte tenu de la situation actuelle tendue de l’approvisionnement sur les marchés de l’énergie, la question se pose de savoir s’il est possible de couvrir des besoins supplémentaires en électricité.

Selon les experts de la distribution fine et de la livraison, une électrification croissante des véhicules se dessine dans le transport léger de marchandises. Mais ici aussi, il existe des véhicules GNC qui, grâce au biogaz, circulent déjà avec un bilan CO2 quasiment neutre. Source : Ford

La consommation d’énergie du trafic routier atteint aujourd’hui 59 térawattheures, soit exactement la consommation d’électricité actuelle de la Suisse. Grâce à d’énormes gains d’efficacité, les chercheurs s’attendent à ce que les besoins supplémentaires en électricité diminuent considérablement avec l’électrification complète du trafic routier. Ils estiment ces besoins futurs à environ 8 à 16 térawattheures. À l’avenir, une voiture électrique pourrait par ailleurs être rechargée précisément au moment où la production d’électricité est maximale et, pour ce faire, restituer de l’énergie pendant les pointes de charge, assurant ainsi plus de flexibilité et de stabilité sur le réseau électrique.

En ce qui concerne le transport léger de marchandises, on observe une électrification croissante des véhicules, analogue à celle des voitures de tourisme, dans le secteur de la distribution et la livraison aux clients finaux. En revanche, les propulsions électriques atteignent encore leurs limites dans le trafic lourd. Bien que le passage au rail soit une option alternative à très faibles émissions, il n’est pas toujours réalisable pour des raisons opérationnelles. Autre solution envisageable: les camions fonctionnant au GNC et au GNL qui, grâce au biogaz ou au BioGNL, peuvent circuler avec un bilan carbone presque neutre. C’est également le cas des quelque 50 camions à hydrogène qui circulent déjà en Suisse. Les camions à batterie, qui pourraient couvrir des trajets quotidiens d’au moins 500 kilomètres, restent par contre très chers et lourds.

LidlCertes, ils ne sont pas exonérés de la RPLP, mais les camions roulant au biogaz apportent déjà aujourd’hui une contribution importante à la réduction des émissions de CO2 dans le trafic lourd. Source : CNG-Mobility.ch

Les moteurs à hydrogène exonérés de la redevance sur le trafic des poids lourds liée aux prestations (RPLP) peuvent d’ores et déjà rivaliser avec les versions diesel en termes de coûts totaux, et ce malgré des coûts d’acquisition élevés. Les véhicules roulant au biogaz pourraient bénéficier au plus tôt d’une réduction lors de la prochaine modification de la RPLP. Mais eux aussi relient un point A à un point B avec un bilan carbone presque neutre. Les carburants synthétiques constituent une alternative supplémentaire. Ceux-ci peuvent être utilisés comme des substituts au diesel avec la flotte et l’infrastructure existantes.

Si ces derniers présentent des pertes de conversion importantes, le courant excédentaire est malgré tout utilisé et n’est pas gaspillé. Les carburants synthétiques n’ont de sens que si l’électrification directe n’est pas possible. Dans l’aviation en particulier, les carburants dits «durables» constitueront à terme la seule alternative au kérosène. Selon les experts Luca Castiglioni, Matthias Gysler et Konstantinos Boulouchos, l’hydrogène restera en outre longtemps un bien rare. Il devrait donc être utilisé là où il n’y a pas d’autre solution. Par exemple, dans les procédés industriels à haute température tels que la fabrication d’acier ou de ciment.

Konstantinos Boulouchos, professeur émérite de l’EPFZ, donne des détails sur les futurs besoins énergétiques de la Suisse. Source : CNG-Mobility.ch

Pour pouvoir accélérer la transformation, il est indispensable de développer rapidement les infrastructures nécessaires, et en premier lieu les infrastructures de recharge, ainsi que les énergies renouvelables, dont l’énergie éolienne et solaire, mais aussi le biogaz. L’augmentation des besoins en électricité pour décarboniser le secteur des transports a certes des limites. Mais seule l’interaction avec d’autres sources d’énergie durables tels que l’hydrogène, les carburants synthétiques et le biogaz permettra également de diversifier et d’accroître la résilience dans les situations de crise.

Si l’on considère le secteur des transports dans son ensemble, deux grands modes de transport doivent également être pris en compte: le transport aérien et le transport maritime de marchandises. Tous deux transportent de grandes masses sur de grandes distances. Ces caractéristiques rendent l’électrification directe de ces secteurs difficile et, dans le cas de l’aviation commerciale, probablement impossible dans un avenir prévisible. Aujourd’hui, la propulsion au GNL prend de plus en plus d’importance dans le secteur du transport maritime, toujours avec pour objectif de remplacer au plus vite le GNL fossile par du BioGNL durable et ainsi de réduire encore massivement les émissions de CO2. Il s’agit donc exactement de la même approche que celle appliquée au trafic lourd ou au transport de passagers avec des véhicules GNL ou GNC roulant au biogaz ou au gaz synthétique, afin de permettre une mobilité avec un bilan carbone presque neutre. (pd/jas, 19 janvier 2023)

 

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